lundi 13 avril 2009

Ma vie d'amibe - 1er écrit d'un asexuel, 1997

My life as an amoeba
Zoe O'Reilly
Arizona Daily Star
30 mai 1997

Titre : "Ma vie d'amibe"

Ceci est le premier article publié sur le Net par un asexuel. A sa suite, d'autres asexuels ont répondu sous la forme de commentaires, et ainsi s'est formée une première communauté asexuelle informelle. Les commentaires sont aujourd'hui perdus mais l'article est toujours disponible, et c'est en le lisant quelques années plus tard que David Jay a décidé de créer Aven (Asexual Visibility and Education Network, le réseau pour la visibilité et l'information sur l'asexualité).

* * *

Avec le coming out d'Ellen (1), la nouvelle tendance à l'outing (2) et l'effet de mode suscité, il y a eu beaucoup d'échos dans la presse dédiés aux gays, bisexuels et à la plupart des autres groupes sexuels. Mais il y a un groupe constamment ignoré :


Les asexuels.

Je révèle que je suis asexuelle et je suis fière de l'être. Mes semblables sont une minorité précise qui souhaite être reconnue comme les autres. Nous voulons un ruban de couleur, un jour férié, des bons pour les fast-foods. Nous voulons que le monde sache que nous sommes là.

Les livres de sciences mentionnent à peine notre existence et même là s'en tiennent à la variété unicellulaire. Pour le reste du monde, des organismes asexuels de plus d'une cellule n'existent pas. Cela rend difficile d'accepter sa propre absence de sexualité. Je ne suis pas l'une de ces personnes qui font des histoires de leur abstinence. Je n'ai pas l'apparence bien-pensante requise et je ne passe pas mon temps libre à penser au fait que je ne couche pas. Je ne me soucie pas du tout de cette question.

Je trouve que ne pas avoir de sexualité rend ma vie beaucoup plus facile. En n'ayant pas de partenaire, je suis la philosophie de Thoreau "Simplifiez, simplifiez, simplifiez". Un anniversaire en moins à me souvenir, moins de courses à faire et personne ne m'obligeant à donner la priorité à un autre que moi. Et une bonne raison à tout ça. Comme le scorpion de la fable, "c'est ma nature".

En ne participant pas à cet aspect de la vie, mon temps est libre pour d'autres activités : construire des sanctuaires, apprendre les paroles de The Cure, étudier la psychologie médico-légale... tout ce que je veux. Mes discussions avec des amis concernent des questions importantes comme leur dernière arrestation ou leurs malheurs financiers. Pas de longues histoires d'amour alambiquées.

Certains pourraient dire que nous ne sommes pas vraiment asexuels, nous voulons seulement penser que nous le sommes. Souvenez-vous de cette citation : "Je pense donc je suis". Ajoutez quelques mots : "Je pense que je suis asexuelle, donc je le suis."

J'ai même une amie qui a cet aspect de la vie en commun avec moi. En fait, quand elle m'a contactée la première fois, elle a bien précisé ce lien. La faq (3) de ma page web mentionne l'état de ma sexualité, un point qui attirerait les reproches pensais-je. A la place, cela a résulté en une nouvelle amitié. C'est génial car c'est plus qu'un lien inconscient. Nous n'en parlons pas tout le temps car il n'y a vraiment pas grand chose à en dire.

Je ne me suis jamais sentie inférieure à cause de mon asexualité. Je n'ai jamais eu le besoin d'agir de façon hétéro, homo ou omnisexuelle. Bien sûr, j'ai enduré les insultes que tout ado doit supporter : "Eh la spore, montre-nous une division de cellule !" Les enfants peuvent être cruels, mais je n'ai pas perdu de vue qui j'étais.

Depuis le jour où je l'ai dit à ma famille et annoncé sur Internet, mes proches m'ont soutenue à 100%, bien que ma soeur soit encore un peu perplexe. J'ai même confessé que cela pourrait seulement être une phase, mais c'est ce que je suis pour le moment. Ils comprennent. Mon petit frère se pose même des questions sur son absence de sexualité.

En ces temps de mères adolescentes et d'hormones déchaînées, nous devrions être félicités pour ce que nous sommes. Moi l'amibe, l'androgyne Pat (4). Nos vies ne sont pas passées à reproduire le dernier triangle amoureux bizarre de "Melrose Place".

Vous ne nous verrez jamais traîner dans les supermarchés à draguer les nanas ou à acheter des magazines cochons au kiosque à journaux du coin. Sans frustration sexuelle, il n'y a aucune raison de couvrir d'inscriptions et de dégrader la ville et ses toilettes publiques.

Notre temps est plus utilement passé à augmenter le nombre de notre espèce. Nous accomplissons cela d'une façon propre et raisonnable : nous recrutons.


(1) L'actrice Ellen de Generes
(2) Révéler l'orientation d'une personne sans son consentement
(3) Foire aux questions (questions les plus fréquemment posées)
(4) Personnage fictif récurrent de l'émission "Saturday Night Live"